[AERO] DE BEDOUS (64) VERS PAU (64) 14.12.2022
Le témoin principal (T1), pilote commandant de bord d’un hélicoptère de la sécurité civile, effectue un vol avec son mécanicien-opérateur de bord (T3) pour un entrainement en montagne. Ils sont équipés de jumelles de vision nocturne (JVN). La séance est prévue pour durer entre 45mn et 1h.
Vers 18h35, après avoir survolé la commune d’Oloron-Sainte-Marie (64), l'hélicoptère évolue à une altitude d’environ 2000 pieds en direction de l’aéroport de Pau. À ce moment, le pilote est attiré par une traînée lumineuse se déplaçant horizontalement sur un axe est-ouest, qu'il évalue comme étant légèrement supérieure à son altitude et située au nord de Pau.
Cette traînée est précédée par une « forme oblongue de grande taille, légèrement floue », que le pilote évalue comme étant « plus grande qu’un avion de ligne ». La traînée lumineuse mesure approximativement deux fois la longueur de cette forme et y est reliée, tandis que sa vitesse est remarquablement élevée.
En utilisant les jumelles de vision nocturne (JVN) pour observer le phénomène, le pilote note que la traînée lumineuse apparaît de couleur blanche et la forme sombre (avec ce type de jumelles, les couleurs font apparaître les objets via des contrastes de vert allant du vert blanc au vert très sombre proche du noir).
Le témoin T1 suit la trainée et la forme du regard en interpellant T3. Puis la trainée et la forme « s’évaporent » vers l’ouest de l’aéroport de Pau, le phénomène a duré « environ 4 secondes ».
Orienté vers le nord-ouest, le témoin (T1) observe à nouveau une traînée lumineuse apparaissant au sud, se déplaçant sur un axe nord-sud, entre les villes d’Orthez et de Lacq. Il estime que la hauteur de cet objet est « d’environ 1000 à 2000 pieds » au-dessus de son altitude, évoluant en palier. La vitesse de déplacement est très rapide, et l'objet s'évanouit à nouveau sur son arrière gauche en direction du massif. Ce phénomène dure « environ deux secondes ».
Environ 30 secondes plus tard, le même phénomène se reproduit exactement sur le même axe. Même hauteur, et disparaît sur son arrière gauche.
L'attention de T1 se porte alors sur le flanc gauche de l’appareil. Environ une minute plus tard, T1 observe à nouveau le même phénomène, qui est également remarqué par le mécanicien (T3).
Le mécanicien décrit ce PAN comme une traînée lumineuse avec une forme plus arrondie en tête, s’étirant peu à peu. Il compare sa lumière à celle d’une « sorte de combustion » et n’observe pas de masse sombre à l’avant de la traînée. Le déplacement de ce PAN s’effectue au-dessus de la ligne d’horizon à l’ouest de la position de l’hélicoptère, selon une trajectoire horizontale à très grande vitesse, mais « moins que [celle] d’une étoile filante ».
Le témoin contacte alors la tour de contrôle de Pau afin de vérifier s'il existe des informations concernant des évolutions d'avions rapides dans le secteur. La tour de contrôle indique qu’elle n’a pas connaissance d’activités aériennes militaires dans le secteur et qu’aucun appareil n’est détecté sur les écrans radar. Après quelques instants, le contrôleur (T2) informe qu’il vient lui aussi d'observer, à l’œil nu, une trainée lumineuse qui s’est rapidement évanouie à l’ouest de son secteur. Le contrôleur T2 décrit ce PAN comme étant un point lumineux fixe se déplaçant horizontalement au sud-ouest sur un axe nord-sud, observé durant 2 à 3 secondes avant qu'il ne s’estompe peu à peu. Cette fois ci, ni T1 ni T3 ne voient le phénomène.
La durée totale des observations faites par T1 et T3 a duré environ 3-4 minutes.
Bien qu’aucune photo ou vidéo des PAN n’ait été faite, la consistance* est très bonne avec trois témoignages complets, particulièrement celui de T1 et une enquête réalisée par la gendarmerie des transports aériens. Les témoignages sont en effet de manière générale d’excellente qualité, complets, et rédigés assez rapidement après l’observation (environ trois semaines à un mois selon les témoins).
*selon les critères du GEIPAN, la consistance est la quantité d’informations considérées comme fiables et objectivées, recueillies pour un témoignage.
Deux hypothèses ont été étudiées (voir le compte rendu d'enquête) :
1. L'hypothèse aéronautique n'a pu être exploitée par le GEIPAN en raison de la réception tardive du témoignage. Cependant, elle a été examinée par la Gendarmerie, qui a interrogé le Centre National des Opérations Aériennes (CNOA) et rapporté que les analyses des traces radar ne correspondent pas à l'observation identifiée.
2. La double observation consécutive d’un premier météore rasant, type bolide, suivi de l’observation de trois étoiles filantes, également rasantes, issues de l’essaim des Géminides.
Cette deuxième hypothèse a été retenue, elle s’appuie sur les éléments suivants :
- L’observation très courte, 2 à 5 secondes.
- La mention par les témoins d’impression de combustion, d’éjectas de matière et de crépitement d’étincelles est tout à fait typique de météores.
- Une trajectoire rectiligne. L’orientation horizontale de cette trajectoire apparente est causée par un simple effet de perspective, étant perpendiculaire à l’axe d’observation. Celle du premier météore est typique d’un bolide rasant et celles des trois suivants tout à fait conformes à la position du radiant des Géminides, bas sur l’horizon est situé au nord-est.
- L’observation a eu lieu quelques heures après le pic de culmination de la pluie d’étoiles filantes des Géminides, qui est l’une des plus importantes de l’année, avec un taux horaire théorique maximal de 120/150 météores.
- Les calculs de vitesses de déplacement ont été réalisés pour le premier PAN (environ 20 km/s) et entrent dans la fourchette basse de vitesses connues des bolides (entre 11 et 70 km/s). Une vitesse qui correspond bien à l’impression formulée par T1 de relative lenteur par rapport aux étoiles filantes qu’il a l’habitude d’observer.
- La forme oblongue suivie d’une trainée lumineuse, typique de la forme d’un météore, bien que la description par T1 du premier PAN aux jumelles (forme sombre).
Nous avons cherché sans succès la trace de ces météores sur les systèmes vidéo automatisés de capture (FRIPON et BOAM) mais également sur la base de données de témoignages visuels de l’IMO (« International Meteor Organization »), habituellement utilisées au GEIPAN. L’heure précoce de l’observation, alors que la nuit n’était pas entièrement établie (entre le crépuscule nautique et le crépuscule astronomique), ainsi que la faible luminosité des météores (dont le témoin n’a pas fourni de précisions) pourraient expliquer l'absence de détection par les caméras des réseaux FRIPON et BOAM, le seuil de détection n’étant peut-être pas atteint.
Pour ces raisons, le GEIPAN classe ce cas d’observation en « B » observation probable d'une rentrée atmosphérique de météores.
*FRIPON : Fireball Recovery and InterPlanetary Observation Network
*BOAM : Base des Observateurs Amateurs de Météores